invariable

C’était sa réponse systématique aux agressions répétées qu’il avait à subir vis-à-vis de son statut d’homme célibataire. Un doigt bien tendu, qui sonnait comme un message disant « n’y revenez plus ! ». Celui-ci n’avait pas la violence d’un bon gros doigt d’honneur, qui invite les gens à aller se faire foutre, mais le geste était clair. Il brandissait cet annulaire dénué de toute alliance, l’air de dire « je ne suis pas marié et je vous emmerde ».

Quand ce doigté symbolique ne suffisait pas à exprimer sa pensée, il se lançait dans une courte mais détonante explication. Pour le moins radicale. Imaginerait-on qu’un homme puisse relire le même livre aussitôt l’avoir terminé, sans jamais en ouvrir un autre ? Qu’il regarde à chaque fois le même film dès qu’il voulait se faire une soirée télé. Qu’il avale chaque midi le même repas que la veille et l’avant-veille, et chaque soir le même menu que les soirs précédents. Qu’il n’écoute qu’un seul et unique disque, ad vitam aeternam, sans jamais s’en lasser.

Que cet homme puisse rester invariablement insensible à ce qui se passe autour de lui, au point de se laisser passer la bague au doigt, entre autres réjouissances. Etre ou ne pas être invariable, c’était juste un choix. Lui pensait ne pas l’être : la preuve, là-dessus, il s’accordait au moins avec lui-même.

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